Page:Kleist - Kotzebue - Lessing - Trois comedies allemandes.djvu/47

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juge. Eh bien, soit ! Recommencez l’affaire par le commencement.

Adam.

Fort bien. Faites attention. Vous serez satisfait. — Dame Marthe Rull, faites votre déposition.

Dame Marthe.

Je porte plainte, vous le savez, à propos de cette cruche. Mais permettez cependant, avant que je vous informe de ce qui lui est arrivé, que je vous dépeigne ce qu’elle était pour moi auparavant.

Adam.

Vous avez la parole.

Dame Marthe.

Voyez-vous la cruche, mes respectables messieurs, la voyez-vous ?

Adam.

Eh ! oui, nous la voyons.

Dame Marthe.

Vous ne voyez rien du tout, avec votre permission ! Ce sont des débris que vous voyez ! La plus belle des cruches a été brisée. Ici, à l’endroit où vous voyez ce trou — par conséquent plus rien — il y avait la donation des Provinces-Unies à Philippe d’Espagne. Ici, en grand apparat, se tenait l’empereur Charles-Quint, dont il ne reste plus que les jambes. Ici, Philippe s’agenouillait pour recevoir la couronne. Il gît dans le pot jusqu’au derrière, c’est là qu’il a reçu le coup. Ici, ses deux cousines émues, la reine de France et celle de Hongrie, essuyaient leurs larmes. Lorsqu’on voit encore l’une porter son mouchoir à ses yeux, il semble que ce soit sur elle-même qu’elle pleure. Ici, parmi la suite, Philibert, que l’empereur jadis couvrit de son corps, s’appuyait sur son épée ; mais maintenant le voici à bas, aussi bien que Maximilien. La