Je veux la porter à Utrecht. Pour une cruche ! — Je voudrais que ce soit moi qui l’aie cassée !
Tu es généreux vraiment ! fi, quelle honte ! Au lieu de dire : C’est moi qui l’ai cassée ! Oh fi, Ruprecht, n’as-tu pas honte de n’avoir pas plus confiance en moi ! Ne t’ai-je pas donné la main et dit : oui ! quand tu m’as demandé : « Ève, veux-tu de moi ? » — Penses-tu que tu ne vailles pas le savetier ? Et quand même tu m’aurais vue, par le trou de la serrure, boire à la cruche avec Lebrecht, tu aurais dû penser : Ève est honnête ; tout s’expliquera à son honneur ; si ce n’est pas dans cette vie, ce sera au delà, et le jour de la résurrection est aussi un jour.
Par ma foi, c’est un peu trop long, ma petite Ève ; je ne crois volontiers qu’à ce que je puis toucher du doigt.
À supposer que c’eût été Lebrecht. Sur la mort éternelle, je te l’aurais confié à toi seul ; mais pourquoi devant les voisins, les domestiques et les servantes ? — À supposer que j’aie des raisons de le cacher, pourquoi ne puis-je pas, dis, Ruprecht, pourquoi ne puis-je pas, forte de ta confiance, dire ici que c’était toi ? Pourquoi ne le devrais-je pas ? Oui, pourquoi ne le devrais-je pas ?
Eh ! que diable, dis-le, je veux bien, si tu peux t’éviter le carcan.
Oh le scélérat ! l’ingrat ! Tu vaux bien que je m’évite le carcan ! Tu mérites que d’un mot je rétablisse mon honneur et t’envoie, toi, à ta perte.
Eh bien ? Et ce seul mot ? Ne nous le fais pas attendre. Ainsi, ce n’était pas Ruprecht ?