Page:Kleist - Kotzebue - Lessing - Trois comedies allemandes.djvu/71

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Je veux la porter à Utrecht. Pour une cruche ! — Je voudrais que ce soit moi qui l’aie cassée !

Ève.

Tu es généreux vraiment ! fi, quelle honte ! Au lieu de dire : C’est moi qui l’ai cassée ! Oh fi, Ruprecht, n’as-tu pas honte de n’avoir pas plus confiance en moi ! Ne t’ai-je pas donné la main et dit : oui ! quand tu m’as demandé : « Ève, veux-tu de moi ? » — Penses-tu que tu ne vailles pas le savetier ? Et quand même tu m’aurais vue, par le trou de la serrure, boire à la cruche avec Lebrecht, tu aurais dû penser : Ève est honnête ; tout s’expliquera à son honneur ; si ce n’est pas dans cette vie, ce sera au delà, et le jour de la résurrection est aussi un jour.

Ruprecht.

Par ma foi, c’est un peu trop long, ma petite Ève ; je ne crois volontiers qu’à ce que je puis toucher du doigt.

Ève.

À supposer que c’eût été Lebrecht. Sur la mort éternelle, je te l’aurais confié à toi seul ; mais pourquoi devant les voisins, les domestiques et les servantes ? — À supposer que j’aie des raisons de le cacher, pourquoi ne puis-je pas, dis, Ruprecht, pourquoi ne puis-je pas, forte de ta confiance, dire ici que c’était toi ? Pourquoi ne le devrais-je pas ? Oui, pourquoi ne le devrais-je pas ?

Ruprecht.

Eh ! que diable, dis-le, je veux bien, si tu peux t’éviter le carcan.

Ève.

Oh le scélérat ! l’ingrat ! Tu vaux bien que je m’évite le carcan ! Tu mérites que d’un mot je rétablisse mon honneur et t’envoie, toi, à ta perte.

Walter.

Eh bien ? Et ce seul mot ? Ne nous le fais pas attendre. Ainsi, ce n’était pas Ruprecht ?