Page:Kostomarov - Deux nationalités russes.djvu/30

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quelque chose de tout différent de Vladimir, car André créa un évêque indépendant de Rostof. Le patriarche n’y consentit pas, mais il nomma Théodore évêque de Rostof, en lui laissant le droit d’habiter Vladimir. Probablement les atrocités que se permit Théodore furent causées par l’opposition qu’il rencontra à Rostof, et par son ambition de s’élever à Vladimir ecclésiastiquement, comme il s’était élevé à Rostof séculièrement. Mais, évidemment, en accomplissant au début la volonté d’André, Théodore voulait démontrer l’importance de l’autorité épiscopale pour le prince lui-même. André le conduisit à sa perte. Le pouvoir séculier, sanctifié par le pouvoir ecclésiastique ne se laisse pas subjuguer par lui et aussitôt que ce dernier entre en lutte, il le frappe. C’est ce qui s’est passé par la suite dans toute l’histoire de la Grande Russie.

Le clergé supportait les princes dans leurs efforts vers l’autocratie ; les princes aussi caressaient le clergé et le protégeaient ; mais chaque fois que l’autorité ecclésiastique cessait de marcher la main dans la main avec l’autocratie temporelle, celle-ci faisait sentir au clergé que ce pouvoir était indispensable. Ce contrebalancement mutuel conduisait heureusement au but. Si l’autorité temporelle s’était soumise à l’autorité ecclésiastique après avoir admis le principe théocratique, elle n’aurait pu marcher droit devant soi et n’aurait pu obtenir la sanctification pour ses entreprises, il se serait produit des lois qui lui auraient lié les mains. Tant que le clergé possédait une puissance, que le pouvoir séculier pouvait, toutefois, toujours lui enlever, l’autorité ecclésiastique, pour se maintenir, devait marcher à côté de l’autorité séculière et la mener au but choisi par ce pouvoir.

C’est pourquoi nous voyons fréquemment dans l’histoire de la Grande Russie les primats de l’église flagorner les monarques et consacrer leurs actes, même contraires aux lois de l’église. Ainsi le métropolite Daniel approuva le divorce de Vassili d’avec Solomonie, et la réclusion de la pauvre princesse et Jean IV obtint la bénédiction du clergé pour un IVe mariage interdit depuis longtemps par l’église. D’un autre côté nous voyons l’insuccès de l’opposition faite par les chefs religieux aux monarques.

Le métropolite Philippe fut condamné à mort pour avoir excommunié et accusé d’hérésie ce même Jean-le-Cruel et le tsar Alexis Mikhaïlovitch n’hésita pas à sacrifier son favori Nicon quand celui-ci osa lever la tête trop haut et défendre l’indépendance et