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Page:Kostomarov - Deux nationalités russes.djvu/45

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Celui qui a une fibre vivante de poésie n’admettra jamais qu’il n’y a pas une force spirituelle créatrice dans les arts, car il la sent. De même aucun argument du matérialisme ne pourra prouver la non existence du principe spirituel à celui qui le sent en soi-même et il n’aura besoin ni de démonstration ni de contradiction de même que nous n’avons pas besoin d’arguties pour nous faire savoir si nous sommes dans une atmosphère chaude ou froide, le corps s’en rend compte.

À l’immanence de la poésie, au sentiment du bien et à la faculté de le comprendre, est étroitement uni la conscience du bien, de la morale. Pour le matérialiste, l’utilitarisme c’est la morale. S’il est bon par nature, il montre sa bonté en étant prêt à faire aux autres ce qu’il considère utile ; la plus haute expression de sa bonté c’est lorsqu’il est prêt à faire aux autres ce qui, selon lui, n’est pas utile, mais ce qu’un autre regarde comme utile. Par excellence sa vertu se résume en ceci : Si je fais du bien à un autre, on m’en fera aussi.

C’est différent pour l’homme qui a le don et l’habitude de ressentir en soi une âme vivante et de la voir pure, sa conscience intime dans les événements extérieurs. Il n’analyse pas le bien, mais il le contemple en son entier, et il l’accepte de tout son être spirituel. Le bien, au point de vue des faits de la vie matérielle, peut s’exprimer au moyen de ce qui est utile, il en sera toujours ainsi, mais celui qui fait une bonne action ne pense pas à l’utilitarisme, il voit devant lui seulement le bien et la perfection morale. Celui qui fait une bonne œuvre au point de vue de l’utilité se demande nécessairement si c’est utile, mais celui qui aime le bien pour le bien ne pense pas, il agit par impulsion intérieure, par sentiment de la beauté du bien qui agit indépendamment de sa volonté.

Dans les idées sociales l’histoire a laissé ses traces sur nos deux nationalités et a établi chez elles deux points de vue absolument opposés.

La tendance à agglomérer les parties, l’annihilation des motifs individuels, sous l’influence des motifs généraux, l’inviolable légalité de la volonté générale exprimée presque comme un lourd destin, s’accordent chez le Grand-Russien avec l’unité de la famille, et la soumission de la volonté individuelle à celle du mir et se sont résumées dans la famille patriarcale, la propriété commune,