Page:Kostomarov - Deux nationalités russes.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la responsabilité des villages, où l’innocent répondait pour le coupable, où le laborieux travaillait pour le paresseux.

On voit jusqu’à quel point ces idées sont enracinées dans la mentalité grande-russienne, dans le fait que lors de l’affranchissement des serfs et de l’organisation des paysans, les Grands-Russiens les ont défendues en se fondant sur les antiques principes slavianophiles et sur le socialisme français à la mode.

Pour l’Ukranien, rien n’est plus pénible, plus détestable que cet ordre de choses, les familles petites-russiennes se séparent aussitôt qu’elles sentent le besoin d’une vie à part. La tutelle des parents sur leurs enfants adultes paraît à l’Ukranien une tyrannie intolérable.

L’autoritarisme des aînés sur les cadets, des oncles sur les neveux, éveille chez eux une haine constante. La parenté dispose fort peu chez nous à l’accord et à l’amour mutuel ; au contraire, souvent des gens modestes, doux, aimables, sont séparés par des discordes implacables de leurs proches. Les disputes entre proches parents sont tout à fait communes dans la classe supérieure comme dans la classe inférieure. Au contraire, chez les Grands-Russiens, la parenté fait qu’un homme se montre souvent plus aimable, plus doux, plus juste envers les autres membres de la famille, même si cette [cet] homme ne se distingue pas par ses qualités envers les étrangers. Dans la Russie méridionale, pour conserver l’amour et la concorde entre les membres d’une famille, il faut les séparer afin qu’ils aient le moins de rapports possibles les uns avec les autres.

Le devoir mutuel basé, non sur le consentement libre, mais sur la nécessité inéluctable pèse au Petit-Russien, tandis que chez le Grand-Russien, il calme plus que tout autre chose ses désirs personnels et les tranquillise. Le Grand-Russien par obéissance au devoir est prêt à se forcer à aimer ses proches, même s’ils ne lui sont pas sympathiques, à s’abaisser devant eux, par cela seul qu’ils sont consanguins, ce qu’il ne ferait pas par persuasion ; il est disposé à faire des sacrifices pour eux, tout en reconnaissant qu’ils ne le méritent pas.

Le Russe méridional est, paraîtrait-il, plutôt prêt à ne plus aimer son prochain, par cela seul qu’il est son parent, moins tolérant de ses faiblesses que de celles d’un étranger et en général chez lui la parenté tend non à fortifier les bonnes dispositions