Page:Kostomarov - Deux nationalités russes.djvu/51

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gardaient que des rapports très éloignés avec des paysans ukraniens comme s’ils étaient chez un peuple étranger. C’est ce qui arrivait et encore pire pour un Petit-Russien dans le mir russe. Quand au reproche de paresse qu’on fait aux Ukraniens il vient de circonstances qui sont étrangères à sa nature, celle du servage et du droit communal. Ce dernier s’exprime pour l’Ukranien (qui n’est pas enchaîné par la propriété communale) comme un tas de conditions diverses qui limitent la libre disposition de sa personne et de son bien. En général ce reproche de paresse n’est pas juste, on peut même remarquer que l’Ukranien, par nature, est plus laborieux que le Grand-Russien et il le montre chaque fois qu’il trouve une libre issue à son action. Tout autre est le rapport de la nationalité ukranienne avec la polonaise : si l’Ukranien est beaucoup plus éloigné du Polonais par la langue, il en est beaucoup plus rapproché par ses qualités nationales et par les bases de son caractère ; il n’existe pas entre les Polonais et les Ukraniens cette opposition que nous avons vue entre les Grands-Russiens et les Ukraniens, ni dans le côté extérieur, ni dans le côté intérieur de la vie.

Au contraire si l’on cherchait à exprimer les différences fondamentales entre les Polonais et les Grands-Russiens, il faudrait répéter la même chose pour les Ukraniens. Pourtant, malgré une telle ressemblance, il y a un abîme entre ces deux peuples, un abîme sur lequel il n’est pas possible de construire un pont. Les Polonais et les Russes méridionaux sont comme deux branches très rapprochées mais qui s’étendent dans des directions contraires ; les uns ont établi chez eux le pantswo, les autres le moujitzstwo, ou pour parler plus simplement un peuple est profondément aristocratique, l’autre profondément démocratique. Mais ces termes ne conviennent pas exactement à notre histoire, et à notre vie, car l’aristocratie polonaise est trop démocratique, tandis que, par contre, la démocratie ukranienne est trop aristocratique. Là, la classe aristocratique cherche l’égalité dans sa classe ; ici le peuple égal en droit et en situation élève des personnages éminents qu’ensuite il s’efforce d’engloutir dans sa masse, là la féodalité n’a jamais pu prendre pied dans l’aristocratie polonaise ; l’aristocratie ne permet pas que l’un soit plus élevé que les autres. D’un autre côté, le peuple ukranien, après avoir fondé sa société sur la base de la plus complète égalité, ne put la conserver et