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Page:Kotzebue - Supplement au theatre choisi.djvu/165

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Erman.

Ce tableau vous plaît donc ?

Amélie.

On ne peut davantage.

Erman.

Vous avez raison : il est ravissant ; mais opposons-y celui de deux êtres que le seul motif des circonstances, des vues d’intérêt, d’ambition, ont unis au lieu du sentiment : oh ! alors le tableau n’offre plus de côté riant : les peines que deux cœurs bien unis trouvent légères à supporter, deviennent des chaînes pesantes, que chacun traîne après soi : en public, en particulier, on porte sur son front l’empreinte de leur fardeau : une imagination enchanteresse bien loin de nous séduire par le tableau des plaisirs qu’elle nous présente, ajoute au contraire à nos maux, en nous traçant un bonheur, que nous appercevons de loin, sans pouvoir le saisir : tout est peine, tout est chagrin : la moindre contradiction nous devient insupportable : devenus malheureux, on s’accuse mutuellement de son malheur : insensiblement l’humeur s’aigrit, les propos sont de fiel, la vie n’est plus qu’une route obscure, un chemin plein d’entraves, où l’on se traîne au lieu de marcher ; et quand enfin la mort que ces infortunés demandent à grands cris, qu’ils désirent, qu’ils espèrent, comme le seul terme à leurs maux, arrive et les sépare ; oh ! alors, mais alors seulement, le bonheur luit pour celui qui reprend sa liberté.