Page:Kouprine - Sulamite.djvu/17

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un cœur, mais cette enfant lui montre par son don candide ce que c’est que la vie du cœur. Cependant cette vie ne sera pleinement comprise et glorifiée que dans un âge futur. Salomon ne peut que la pressentir avec son intelligence: il reste, comme Moïse sur le Nébo, en vue d’une terre promise ou l’on n’entrera qu’au temps du Christ. Il s’étonne, il admire, il vénère l’ange dans l’amoureuse. et lorsqu’un crime la lui ravit, il sent peser sur lui l’immense et définitive solitude, il connaît la souffrance, l'amertume et la pitié. Il les dira dans un poème immortel ou les divines paroles de l’amante pure de tout mal seront écrites pour l’éternelle admiration. Le Cantique des Cantiques sera le mémorial d’un amour mort, et sous la riche et brûlante sensualité de ses images demeureront la fraîcheur de l’idylle et la candeur du sentiment.

L'érudition, l’éclat sans vaine virtuosité du style, ont donc servi a M. Kouprine a présenter une fiction symbolique dont la portée est philosophique, morale et mystique. C’est en quoi il ne saurait être comparé à d’autres évocateurs du décor antique comme Flaubert ou Gautier. Ceux—ci ont été simplement des peintres, joyeux de peindre de très beaux tableaux d'histoire avec le coloris le plus opulent. Mais M. Kouprine est un Slave, et il n’est point de Slave sans rêverie ni mysticité.