Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/154

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tique, qui constitue l’alpha et l’oméga de toutes les représentations masochistes.

III. La base de toutes les idées masochistes c’est le libido. Dès qu’il y a flux ou reflux dans ce dernier, le même phénomène se produit dans les fantaisies du masochisme. D’autre part, les images évoquées, aussitôt qu’elles se présentent à l’esprit, renforcent considérablement le libido. Je n’ai pas naturellement de grands besoins sexuels. Mais, quand les représentations masochistes surgissent dans mon imagination, je suis poussé au coït à tout prix (dans la plupart des cas je suis alors entraîné vers les femmes les plus viles), et si je ne cède pas assez tôt à cette poussée, le libido monte en peu de temps jusqu’au satyriasis. On pourrait à ce propos parler de cercle vicieux.

Le libido se produit ou parce que j’ai laissé passer un certain laps de temps ou par une excitation particulière, quand même elle ne serait pas de nature masochiste, par exemple par un baiser. Malgré cette origine, le libido, en vertu des idées masochistes qu’il évoque, se transforme en un libido masochiste, c’est-à-dire impur.

Il est du reste incontestable que le désir est considérablement renforcé par les impressions accidentelles, et surtout par le séjour dans les rues d’une grande ville. La vue de belles femmes imposantes in natura de même qu’in effigie produit de l’excitation. Pour celui qui est sous le coup du masochisme, toute la vie des phénomènes extérieurs est empreinte de masochisme, du moins pendant la durée de l’accès. La gifle que la patronne donne à l’apprenti, le coup de fouet du cocher, tout cela produit au masochiste de profondes impressions, tandis que ces faits le laissent froid ou lui causent même du dégoût en dehors des périodes d’accès.

IV. En lisant les romans de Sacher-Masoch, je fus déjà frappé par l’observation que, chez le masochiste, des sentiments sadistes se mêlent de temps en temps aux autres sentiments. Chez moi aussi j’ai découvert parfois des sentiments sporadiques de sadisme. Je dois cependant faire observer que les sentiments sadistes ne sont pas aussi marqués que les sentiments masochistes, et, outre qu’ils ne se manifestent que rarement et d’une façon accessoire, ils ne sortent jamais du cadre de la vie des sentiments abstraits, et surtout ils ne revêtent jamais la forme des représentations concrètes et cohérentes. Toutefois, l’effet sur le libido est le même dans les deux cas.