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Un autre témoin m’assure que, surtout chez les masochistes, l’adoration des fourrures, du velours et de la soie est très fréquente (Comparez plus haut, observation 44, 45[1]).

Le cas suivant est un cas de fétichisme d’étoffe bien curieux. On voit se joindre au fétichisme l’impulsion à détruire le fétiche. Ce penchant est, dans ce cas, ou un élément de sadisme contre la femme qui porte l’étoffe ou un sadisme impersonnel dirigé contre l’objet, tendance qui se rencontre souvent chez les fétichistes.

Cet instinct de destruction a fait du cas dont nous parlons une cause criminelle très curieuse.


OBSERVATION 93. – Au mois de juillet 1891, a dû comparaître devant la seconde chambre du tribunal correctionnel de Berlin le garçon serrurier Alfred Bachmann, âgé de vingt-cinq ans.

Au mois d’avril de la même année, la police avait reçu plusieurs plaintes : une main méchante avait, avec un instrument bien tranchant, coupé les robes de plusieurs dames. Le soir du 25 avril, on réussit à prendre l’agresseur mystérieux dans la personne de l’accusé. Un agent de la police remarqua l’accusé qui cherchait d’une étrange façon à se blottir contre une dame qui traversait un passage, accompagnée d’un monsieur. Le fonctionnaire pria la dame d’examiner sa robe, pendant qu’il tenait l’homme suspect. On constata que la robe avait reçu une longue entaille. L’accusé fut amené au poste où on le visita. En dehors d’un couteau bien aiguisé dont il avoua s’être servi pour déchirer des robes, on trouva encore sur lui deux rubans de soie comme on en emploie pour la garniture des robes de femmes. L’accusé avoua qu’il les avait détachés des robes dans une bousculade. Enfin, la visite amena encore la découverte sur son corps d’un foulard de soie de dame. Quant à ce dernier objet, il prétendit l’avoir trouvé. Comme on ne pouvait infirmer son assertion à ce sujet, on ne l’accusa sous ce chef que de fraude d’objets trouvés, tandis que ses deux autres actes lui valurent, dans les deux cas où les endommagées demandaient des poursuites, une accusation pour destruction d’objets et,

  1. Dans les romans de Sacher-Masoch la fourrure joue aussi un rôle important ; elle sert même de titre à un de ses romans. Mais son explication, qui fait de la fourrure, de l’hermine, le symbole de la domination, et en fait pour la même raison le fétiche des hommes dépeints dans ce roman, me paraît spécieuse et peu satisfaisante.