Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

venu nous voir avait dit : « Pour un homme il est bien patient. » Ce visiteur me fit cadeau d’un pot de roses, ce qui m’étonna et me fit pourtant plaisir. À partir de ce moment je fus patient, je ne voulais plus rien enlever d’assaut ; mais je devins tenace et têtu comme un chat, en même temps doux, conciliant, pas vindicatif ; en un mot, j’étais devenu femme de caractère. Pendant ma dernière maladie j’eus beaucoup d’hallucinations de la vue et de l’ouïe, je parlais avec les morts, etc. ; je voyais et j’entendais les spiritus familiares[ws 1] ; je me croyais un être double ; sur mon grabat je ne m’apercevais pas encore que l’homme en moi était mort. Le changement de mon humeur fut une chance pour moi, car un revers de fortune me frappa alors, revers qui, dans d’autres conditions, m’aurait donné la mort, mais que j’acceptai alors avec résignation, au point que je ne me reconnaissais plus moi-même. Comme je confondais encore assez souvent avec la goutte les phénomènes de la neurasthénie, je prenais beaucoup de bains jusqu’à ce qu’une démangeaison de la peau, comme si j’avais la gale, se développât à la suite de ces bains qui auraient dû l’atténuer : je renonçai à toute la thérapeutique externe – (j’étais de plus en plus anémié par les bains). Je commençai à m’entraîner autant que je pouvais. Mais l’idée obsédante que j’étais femme, subsistait et devint si forte qu’aujourd’hui je ne porte que le masque d’un homme ; pour le reste, je me sens femme à tous les points de vue et dans toutes mes parties ; pour le moment, j’ai même perdu le souvenir de l’ancien temps.

Ce que la goutte avait laissé intact fut achevé complètement par l’influenza.

État présent. – Je suis grand ; cheveux très clairsemés ; ma barbe commence à grisonner ; mon maintien commence à être courbé ; depuis l’influenza, j’ai perdu environ un quart de ma force physique. La figure a un peu rougi par suite de troubles circulatoires ; je porte ma barbe entière ; conjonctivite chronique ; plutôt musculeux que gras ; au pied gauche apparaissent des veines variqueuses, il s’engourdit souvent, n’est pas encore enflé d’une manière perceptible, mais paraît devoir le devenir.

Le ventre a la forme d’un ventre féminin, les jambes ont la position qu’elles ont chez les femmes, les mollets sont comme chez ces dernières ; il en est de même des bras et des mains. Je peux porter des bas de femmes et des gants 7 3/4 à 7 1/2 ; de même je porte sans être gêné un corset. Mon poids varie entre 168 et

  1. esprits familiaux