OBSERVATION 103. – Une femme d’âge moyen, internée dans l’asile de Greifswalder, se prenait pour un homme et se comportait en conséquence. Elle se coupait les cheveux très courts, se faisait une raie sur le côté, à la mode des militaires. Un profil bien prononcé, un nez un peu fort et une certaine grossièreté de traits donnaient à sa figure un cachet bien caractéristique ; des cheveux courts et collés aux oreilles achevaient de donner à sa tête une expression tout à fait virile.
Elle était de grande taille, maigre ; sa voix était profonde et rauque ; la pomme d’Adam anguleuse et proéminente ; son maintien était raide, sa démarche et ses mouvements pesants sans être lourds. Elle avait l’air d’un homme déguisé en femme. Quand on lui demandait comment lui était venue l’idée de se prendre pour un homme, elle s’écriait presque toujours, pleine d’irritation : Eh bien, regardez-moi donc ! Est-ce que je n’ai pas l’air d’un homme ? Aussi je sens que je suis homme. J’ai toujours eu un sentiment de ce genre, mais ce n’est que peu à peu que je suis parvenue à m’en rendre compte clairement. L’homme qui est censé être mon mari n’est pas un vrai homme ; j’ai procréé mes enfants toute seule. J’ai toujours senti en moi quelque chose de pareil, mais ce n’est que plus tard que j’ai vu clair. Et dans mon ménage, est-ce que je n’ai pas toujours agi en homme ? L’homme qui est censé être mon mari, n’était qu’un aide. Il a exécuté ce que je lui ai commandé. Dès ma jeunesse, je fus toujours plutôt portée vers les choses viriles que vers les affaires des femmes. J’ai toujours mieux aimé m’occuper de ce qui se passe dans la ferme et dans les champs que des affaires du ménage et de la cuisine. Seulement, je n’avais pas reconnu à quoi cela tenait. Maintenant je sais que je suis un homme ; aussi je veux me comporter comme tel, et c’est une honte de me tenir toujours dans des vêtements de femme.
OBSERVATION 104. – X…, vingt-six ans, de haute taille et de belle prestance, aimait, dès son enfance, à mettre des vêtements de femme. Devenu grand, il savait, à l’occasion des représentations théâtrales par des amateurs, toujours si bien arranger les choses, qu’on lui donnait des rôles de femme à jouer. Après avoir éprouvé une forte dépression mélancolique, il s’imagina être réellement une femme, et essaya d’en convaincre son entourage. Il aimait à se déshabiller, à se coiffer ensuite en femme et à se draper. Un jour il voulut sortir dans cette tenue. Sauf cette idée, il était tout à fait raisonnable. Il avait l’habitude de se coiffer pendant toute