Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/317

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Chez les uranistes de moralité perverse et puissants quoad erectionem[ws 1], l’impulsion sexuelle est satisfaite par la pédérastie[ws 2], acte qui répugne aux individus sans défectuosité morale autant qu’aux hommes hétérosexuels. Fait digne d’attention, les uranistes affirment que l’acte sexuel qui leur plaît avec des personnes de leur propre sexe leur procure une grande satisfaction, comme s’ils s’étaient retrempés, tandis que la satisfaction par l’onanisme solitaire ou le coït forcé avec une femme les affecte beaucoup, les rend misérables, et augmente leurs malaises neurasthéniques. La manière dont se satisfont les uranistes féminins est peu connue. Dans une de mes observations personnelles, la fille se masturbait en se sentant dans le rôle d’un homme, et en s’imaginant avoir affaire à une femme aimée. Dans un autre cas, l’acte consistait dans l’onanisation de la personne aimée, à laquelle elle touchait les parties génitales.

Il est difficile d’établir nettement jusqu’à quel degré cette anomalie est répandue[1], car la plupart des individus qui en sont atteints ne sortent que rarement de leur réserve ; et, dans les faits qui viennent devant les tribunaux, on confond l’uraniste par perversion de l’instinct génital avec le pédéraste qui est simplement un immoral.

D’après les études de Casper, de Tardieu, ainsi que

  1. pour ce qui concerne l’érection
  2. sodomie
  1. L’inversion sexuelle ne doit pas être rare ; la preuve, c’est que c’est un sujet souvent traité dans les romans.

    Chevalier (op. cit.) indique, dans la littérature française (outre les romans de Balzac qui, dans la Passion au désert, traite de la bestialité, et dans Sarrasine, de l’amour d’une femme pour un eunuque) ; Diderot, La Religieuse (roman d’une femme adonnée à l’amour lesbien) ; Balzac, La Fille aux yeux d’or (Amor lesbicus) ; Th. Gautier, Mademoiselle de Maupin ; Feydeau, La comtesse de Chalis ; Flaubert, Salammbô, etc.

    Il faut aussi faire mention de Mademoiselle Giraud ma femme, de Belot.

    Ce qui est intéressant, c’est que les héroïnes de ces romans (lesbiens) se montrent avec le caractère et dans le rôle d’un homme vis-à-vis de la personne de leur propre sexe qu’elles aiment, et que leur amour est très ardent. La base névropathique de cette perversion sexuelle n’a pas échappé non plus à l’attention de ces romanciers. Dans la littérature allemande, ce sujet a été traité par Wilbrandt dans Fridolins heimliche Ehe et par le comte Emeric Stadion dans Brick and Brack oder Licht im Schatten. Le plus ancien roman uraniste est probablement celui de Pétrone, publié à Rome à l’époque des Césars, sous le titre de Satyricon.