Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/341

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une poignée de main, même sa vue me suffit. Des heures entières je me suis promené avec lui le soir, et jamais je ne me lassais de sa compagnie, malgré sa position sociale fort inférieure à la mienne ; c’est avec lui que je me sentais heureux ; la satisfaction sexuelle n’était que le couronnement de notre amour. Bien que j’eusse enfin trouvé l’âme-sœur tant cherchée, je ne devins pas pour cela insensible aux femmes, et je fréquentais comme autrefois les bordels, quand l’instinct me tourmentait trop. J’espérais passer cet hiver dans la ville où se trouve mon amant ; malheureusement, cela m’est impossible, et je suis maintenant forcé de rester séparé de lui jusqu’à une époque indéterminée. Cependant, nous essayerons de nous revoir, ne fût-ce que passagèrement, quand même ce ne serait qu’une ou deux fois par an ; en tout cas, j’espère qu’à l’avenir nous pourrons nous retrouver et rester plus longtemps ensemble. Ainsi cet hiver j’en suis de nouveau réduit à rester sans un ami qui pense comme moi. J’ai bien résolu, par crainte du danger d’être découvert, de ne plus me mettre en quête d’autres uranistes, mais cela m’est impossible, car les rapports sexuels avec les femmes ne me satisfont plus ; par contre, l’envie d’avoir des jeunes gens va toujours croissant. Parfois j’ai peur de moi-même ; je pourrais me trahir par l’habitude que j’ai de demander aux prostituées si elles ne connaissent pas un homme avec mes tendances ; malgré cela, je ne puis renoncer à chercher un jeune homme partageant mes sentiments ; je crois même qu’au besoin je prendrais le parti de m’acheter un soldat, bien que je me rende parfaitement compte du risque que je cours.

Je ne puis plus rester sans l’amour d’un homme, sans ce bonheur je serai toujours en désharmonie avec moi-même. Mon idéal serait d’entrer en relations avec une série de personnes ayant mes goûts, bien que je me trouve déjà content de pouvoir, sans empêchement, communiquer avec mon amant. Je pourrais facilement me passer de femmes si j’avais régulièrement des satisfactions avec un homme ; cependant, je crois que, par moments et à des intervalles plus espacés, j’embrasserais aussi, pour me changer, une femme, car mon naturel est absolument hermaphrodite au point de vue psycho-sexuel (les femmes, je ne les peux désirer que sensuellement ; mais les jeunes gens, je puis les aimer et les désirer à la fois). S’il existait un mariage entre hommes, je crois que je ne reculerais pas devant une vie commune qui me paraîtrait impossible avec une femme. Car, d’un côté, quand même la femme m’exciterait beaucoup, ce charme se perdrait bientôt dans les rapports