Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/402

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mais qui doivent occuper une position sociale et intellectuelle inférieure à la mienne. La raison de ce phénomène curieux est peut-être que ma grande pudicité, ma timidité native et ma réserve en présence des hommes de ma position, exercent l’effet d’une idée entravante, de sorte que, dans ce cas, je n’arriverais que difficilement et rarement à une émotion sexuelle. Je souffre beaucoup de cet antagonisme, – cela s’explique,  – car j’ai toujours peur de me révéler à ces gens simples qui sont au-dessous de moi et qu’on peut souvent acheter pour de l’argent. Car, dans mon idée, il n’y aurait rien de plus terrible qu’un scandale qui me pousserait immédiatement au suicide. Je ne puis pas assez me figurer combien ce doit être terrible d’être, à la suite d’une petite imprudence ou par la méchanceté du premier venu, stigmatisé devant le monde entier, et pourtant sans que ce soit de notre faute. Car que faisons-nous autre chose que ce que les hommes de dispositions normales peuvent se permettre de faire souvent et sans gêne ? Ce n’est pas notre faute si nous n’éprouvons pas les mêmes sentiments que la grande foule : c’est un jeu cruel de la nature.

Maintes fois j’ai cherché dans ma tête si la science et quelques hommes scientifiques sans préjugés, penseurs indépendants, ne pourraient imaginer des moyens pour que, nous, les « Cendrillons » de la nature, nous puissions avoir une position plus supportable devant la loi et les hommes. Mais toujours je suis arrivé à cette triste conclusion que pour se faire le champion d’une cause, il faut tout d’abord la bien connaître et la définir. Qui est-ce qui, jusqu’à ce jour, pourrait expliquer et définir avec exactitude l’inversion sexuelle ? Et pourtant il faut qu’il y ait pour ce phénomène une explication juste, qu’il y ait une voie par laquelle on puisse amener la grande foule à un jugement plus sensé et plus indulgent, et, avant tout, obtenir du moins ceci : qu’on ne confonde plus l’inversion sexuelle avec la pédérastie, confusion qui malheureusement règne encore chez la plupart des gens, je dirais même chez tous. Par un pareil acte, on s’érigerait un monument impérissable à la reconnaissance de milliers d’hommes contemporains et futurs ; car il y a toujours eu des uranistes, il y en a et il y en aura à toutes les époques, et en plus grand nombre qu’on ne le suppose.

Dans le livre de Wilbrand : Fridolins heimliche Ehe, je trouve énoncée une théorie tout à fait acceptable à ce sujet, ayant eu moi-même déjà à plusieurs reprises l’occasion de constater que