Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/403

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tous les uranistes n’aiment pas au même degré l’homme, mais qu’il y a parmi eux d’innombrables subdivisions depuis l’homme le plus efféminé jusqu’à l’inverti qui aime encore autant et aussi souvent les charmes féminins que les autres. Ceci pourrait peut-être expliquer la soi-disant différence entre l’inversion congénitale et l’inversion acquise, différence qui, à mon avis, n’existe pas du tout. Cependant chez les cinquante-cinq individus que j’ai connus dans les trois années écoulées depuis que j’ai compris mon état, j’ai rencontré les mêmes traits de tempérament, d’âme et de caractère ; presque tous sont plus ou moins idéalistes, ne fument que peu ou pas du tout, sont dévots, vaniteux, coquets et superstitieux, et réunissent en eux – (je dois l’avouer malheureusement) – plutôt les défauts des deux sexes que leurs qualités. Je sens un véritable horror[ws 1] pour la femme dans son rôle sexuel, horreur que je ne saurais vaincre, pas même avec tous les artifices de mon imagination qui est extrêmement vive ; aussi je ne l’ai jamais essayé, car je suis convaincu d’avance de la stérilité d’une tentative qui me paraît contre nature et criminelle.

Dans les rapports purement sociaux et amicaux, j’aime beaucoup à être en relation avec les filles et les femmes, et je suis très bien vu dans les cercles de dames, car je m’intéresse beaucoup aux modes, et je sais parler avec beaucoup d’à-propos et de justesse de ces matières. Je puis, quand je veux, être très gai et très aimable, mais ce don de conversation n’est qu’une comédie qui me fatigue et qui m’affecte beaucoup. De tout temps j’ai montré beaucoup d’intérêt et d’adresse pour les travaux de femmes ; étant enfant, j’ai jusqu’à l’âge de treize ans passionnément aimé à jouer aux poupées auxquelles je faisais moi-même des robes. Maintenant encore, j’ai beaucoup de plaisir à faire de belles broderies, occupation à laquelle malheureusement je ne puis me livrer qu’en secret. J’ai une prédilection non moins vive pour les bibelots, les photographies, les fleurs, les friandises, les objets de toilette et toutes les futilités féminines. Ma chambre que j’ai arrangée et décorée moi-même, ressemble à peu près au boudoir surchargé d’une dame.

Je voudrais encore mentionner, comme particularité curieuse, que je n’ai jamais eu de pollutions. Je rêve beaucoup et très vivement presque chaque nuit ; mes rêves érotiques, quand j’en ai, ne s’occupent que d’hommes, mais je suis toujours réveillé avant qu’une éjaculation ait pu se produire. Au fond, je n’ai pas de grands besoins sexuels ; il y a chez moi des périodes de quatre à

  1. aversion