Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/564

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Malgré cela, la question médico-légale de la responsabilité de l’uraniste n’est pas encore tranchée. L’instinct génital est un des besoins organiques les plus puissants. Aucune législation ne trouve répréhensible en elle-même la satisfaction sexuelle en dehors du mariage ; si l’uraniste a un sentiment pervers, ce n’est pas sa faute, mais celle d’une prédisposition anormale. Son désir sexuel peut être très répugnant au point de vue esthétique ; mais, envisagé au point de vue morbide de l’uraniste, c’est un désir naturel. Au surplus, chez la majorité de ces malheureux, l’instinct sexuel pervers se manifeste avec une force anormale, et leur conscience ne considère pas leur instinct pervers comme une tendance contre nature. Ils n’ont donc point de contrepoids moraux et esthétiques pour contrebalancer leur impulsion.

Bien des hommes d’une constitution normale sont capables de renoncer à la satisfaction de leur libido sans être atteints dans leur santé par cette abstinence forcée. Beaucoup de névropathes – et les uranistes le sont tous – deviennent malades, quand ils ne peuvent satisfaire leur instinct naturel ou quand cette satisfaction a lieu d’une manière qu’ils considèrent comme perverse.

La plupart des uranistes se trouvent dans une situation pénible. D’un côté, ils ont un penchant anormalement fort pour leur propre sexe, penchant qu’ils sentent comme une loi naturelle et dont la satisfaction leur paraît bienfaisante ; d’autre part, il y a l’opinion publique qui flétrit leurs procédés, et la loi qui les menace de condamnations infamantes. D’un côté, des états d’âme tourmentants pouvant aller jusqu’à l’hypocondrie et au suicide, ou au moins conduire à des maladies de nerfs ; de l’autre côté, la honte, la perte de leur position sociale, etc. On ne peut contester que cette malheureuse prédisposition morbide crée des cas de contrainte et de force majeure. La société et la loi devraient tenir compte de ces faits : la première, en plaignant ces malheureux au lieu de les mépriser ; la dernière, en ne les punissant pas, tant qu’ils