Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/565

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restent dans les limites tracées en général pour la manifestation de l’instinct génital.

Comme confirmation de ces vues et de ces réclamations en faveur de ces enfants mal partagés de la nature, nous nous permettons de reproduire ici un mémoire adressé par un uraniste à l’auteur de ce livre ; celui qui a écrit les lignes suivantes est un personnage qui occupe une haute position sociale à Londres.


Vous n’avez pas une idée des luttes terribles et continuelles que nous tous, surtout les penseurs et les délicats, avons à soutenir encore aujourd’hui, et combien nous avons à souffrir de l’opinion erronée et presque générale sur notre compte et sur notre prétendue « immoralité ».

Votre opinion que ce phénomène doit, dans la plupart des cas, être attribué à une prédisposition morbide congénitale comme cause originaire, pourra peut-être vaincre bientôt les préjugés existants et éveiller de la compassion pour nous autres « malades », en place de l’horreur et du mépris dont nous sommes encore l’objet.

Quelque profondément que je sois convaincu que l’idée que vous défendez est pour nous très avantageuse, je ne puis, dans l’intérêt de la science, accepter sans réserve le mot « morbide », et je me permettrai de vous donner à ce sujet encore quelques explications.

Le phénomène est en tout cas anormal ; mais le terme « morbide » a encore une autre signification que je ne trouve pas exacte, du moins dans les nombreux cas que j’ai eu l’occasion d’observer personnellement. Je conviens a priori que, chez les uranistes, les cas de troubles mentaux, de surexcitation nerveuse, etc., peuvent être constatés dans une proportion beaucoup plus considérable que chez les individus normaux. Cette nervosité aiguë est-elle en connexité nécessaire avec la nature de l’uranisme ou ne doit-elle pas, dans la plupart des cas, être attribuée à ce que l’uraniste, par suite de la législation actuelle et des préjugés sociaux, ne peut arriver, comme les autres hommes, à satisfaire, d’une manière simple et aisée, ses penchants sexuels ou génitaux.

Le jeune uraniste, dès qu’il sent les premières émotions sexuelles et qu’il en fait naïvement part à ses camarades, s’aperçoit bientôt que les autres ne le comprennent pas. Il se replie