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Pour rendre plausible du point de vue médico-légal une liaison pédéraste entre ces deux hommes, il faudrait alors que le docteur S…, présentât les antécédents et les symptômes du pédéraste actif mentionnés (I al. 2) et G…, ceux du pédéraste passif cités (II al. 1 ou 2).

La supposition sur laquelle se fonde le verdict est, au point de vue de la psychologie légale, insoutenable.

On pourrait, pour la même raison, prendre tout homme pour un pédéraste. Reste encore à examiner si, au point de vue psychologique, les explications fournies par S…, et G…, sur leur amitié au moins étrange, tiennent debout.

Au point de vue psychologique, ce n’est pas un fait sans analogie qu’un homme excentrique et sentimental comme S…, conclue une amitié transcendante sans aucune émotion sexuelle.

Il suffit de rappeler à ce propos les amitiés intimes qui se lient dans les pensionnats de filles, l’amitié pleine de dévouement de jeunes gens sentimentaux en général, la tendresse que l’homme de cœur sensible montre même envers un animal domestique, sans que personne l’interprète comme une tendance sodomiste.

Étant donnée la particularité psychologique du docteur S., une amitié exaltée pour le jeune G…, est très compréhensible. La franchise avec laquelle se montrait cette amitié devant le public laisse plutôt supposer le caractère innocent de cette affection qu’une passion sensuelle.

Les condamnés réussirent à obtenir une révision de la procédure judiciaire. Le 7 mars 1890 eurent lieu les nouveaux débats contradictoires. Les dépositions des témoins fournirent en faveur des accusés des faits qui les disculpaient entièrement.

Tous reconnurent la conduite morale de S…, antérieurement. La sœur de charité qui a soigné G…, pendant que celui-ci se trouvait malade à la maison de S…, n’a jamais remarqué rien de suspect dans leurs rapports. Les anciens amis de S…, témoignèrent de sa moralité, de son amitié très tendre et de son habitude de les embrasser à l’arrivée et avant le départ. Les modifications qu’on avait autrefois constatées à l’anus de G…, n’existaient plus. Un des experts convoqués par le tribunal admit la possibilité que ces anomalies de l’anus aient été occasionnées par des manipulations digitales. Leur valeur diagnostique a été contestée par le médecin-expert convoqué par le défenseur.

Le tribunal a reconnu que la preuve du délit présumé n’existait pas, et il a prononcé l’acquittement des accusés.