Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/219

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Que fait la Grande Révolution lorsqu’elle porte sa hache sur l’autorité du roi ?

Ce qui l’a rendue possible, cette Révolution, c’est la désorganisation du pouvoir central, réduit pendant quatre ans à l’impuissance absolue, au rôle de simple enregistreur des faits accomplis ; c’est l’action spontanée des villes et des campagnes arrachant au pouvoir toutes ses attributions, lui refusant l’impôt et l’obéissance.

Mais la bourgeoisie qui tenait le haut du pavé, pouvait-elle s’accommoder de cet état de choses ? Elle voyait que le peuple, après avoir aboli les privilèges des seigneurs, allait s’attaquer à ceux de la bourgeoisie urbaine et villageoise, et elle chercha, elle parvint à le maîtriser. Pour cela elle se fit l’apôtre du gouvernement représentatif et travailla pendant quatre ans avec toute la force d’action et d’organisation qu’on lui connaît, à inculquer à la nation cette idée. Son idéal c’était celui d’Étienne Marcel : un roi qui, en théorie, est investi d’un pouvoir absolu, et en réalité se trouve réduit à zéro par un parlement, composé évidemment des représentants de la bourgeoisie. L’omnipotence de la bourgeoisie par le parlement, sous le couvert de la royauté — voilà son but. Si le peuple lui a imposé la République, c’est à contre-cœur qu’elle l’accepte, et elle s’en débarrasse au plus vite.

Attaquer le pouvoir central, le dépouiller de ses attributions, décentraliser, émietter le pouvoir, c’eût été abandonner au peuple ses affaires, c’eût été courir les risques d’une révolution vraiment populaire. C’est pourquoi la bourgeoisie cherche à renforcer davantage le gouvernement central, à l’investir de pouvoirs que le roi lui-même n’ose pas rêver, à concentrer tout entre