Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/270

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lorsque le mouvement se sent dans l’air, lorsque le succès est déjà devenu certain, alors mille hommes nouveaux, sur lesquels l’organisation secrète n’a jamais exercé une influence directe, viennent se joindre au mouvement, comme des oiseaux de proie arrivés sur le champ de bataille pour se partager la dépouille des victimes. Ceux-ci aident à faire la dernière poussée, et ce n’est pas dans les rangs des conspirateurs sincères et irréconciliables, c’est parmi les pantins à balançoire qu’ils vont prendre leurs chefs, — tant ils sont inspirés de l’idée qu’un chef est nécessaire.

Les conspirateurs qui maintiennent le préjugé de la dictature travaillent donc inconsciemment à faire monter au pouvoir leurs propres ennemis.




Mais, si ce que nous venons de dire est vrai par rapport aux révolutions ou plutôt aux émeutes politiques, — cela est bien plus vrai encore par rapport à la révolution que nous voulons, — la Révolution Sociale. Laisser s’établir un Gouvernement quelconque, un pouvoir fort et obéi, — c’est enrayer la marche de la révolution dès le début. Le bien que ce gouvernement pourrait faire est nul, et le mal — immense.

En effet, de quoi s’agit-il, que comprenons-nous par Révolution ? — Ce n’est pas un simple changement de gouvernants. C’est la prise de possession par le peuple de toute la richesse sociale. C’est l’abolition de tous les pouvoirs qui n’ont cessé d’entraver le développement de l’humanité. Mais, est-ce par des décrets émanant d’un gouvernement que cette immense révolution