Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/29

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jour de plus en plus. Mais rien ne peut se faire, rien ne se fera dans cette voie, tant que l’exploitation et la domination, l’hypocrisie et le sophisme, resteront les bases de notre organisation sociale.




Mille exemples pourraient être cités à l’appui. Mais nous nous bornerons ici à un seul, — le plus terrible, — celui de nos enfants. Qu’en faisons-nous dans la société actuelle ?

Le respect de l’enfance est une des meilleures qualités qui se soient développées, dans l’humanité, à mesure qu’elle accomplissait sa marche pénible, de l’état sauvage à son état actuel. Que de fois n’a-t-on pas vu, en effet, l’homme le plus dépravé désarmé par le sourire d’un enfant ? — Eh bien, ce respect s’en va aujourd’hui et l’enfant devient chez nous une chair à machine, si ce n’est un jouet pour satisfaire les passions bestiales.




Nous avons vu récemment comment la bourgeoisie massacrait nos enfants en les faisant travailler de longues journées dans les usines[1]. Là, on les tue au

  1. Ces lignes furent écrites à propos, du rapport de madame Emma Brown sur le travail des enfants dans les manufactures du Massachusetts, publié par l’Atlantic Monthly. — Madame Brown, après avoir visité la plupart des manufactures de l’État, en compagnie d’un économiste de renom, constata que nulle part la loi sur le travail des enfants n’était respectée. Dans chaque fabrique, elle trouvait ces chiourmes d’enfants, et l’aspect de ces pauvres créatures lui démontrait qu’elles portaient déjà dans leurs frêles corps les germes de maladies chroniques : anémie, difformités physiques, phtisie, etc. Quarante-quatre pour cent, — près de la moitié de tous les ouvriers travaillant dans les manufactures de Massachusetts, — sont des enfants au-dessous de quinze ans. Et pourquoi cette préférence des fabricants pour les enfants ? — Parce qu’ils ne sont payés que le quart (24 0/0) de ce que l’on paie à un ouvrier majeur.

    On sait que, malgré les lois soi-disant protectrices de l’enfance, les manufactures et jusqu’aux mines houillères de l’Europe fourmillent d’enfants, qui font même fréquemment leurs douze heures de travail.