Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/300

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révolutionnaires ont eu recours à diverses époques, pour accélérer l’éclosion de la révolution, pour donner aux masses la conscience des événements qui se préparaient, pour mieux désigner au peuple ses principaux ennemis, pour réveiller l’audace et l’esprit de révolte. Nous savons tous très bien pourquoi telle révolution est devenue nécessaire, mais ce n’est que par instinct et par tâtonnements que nous parvenons à deviner comment les révolutions ont germé.

L’état-major prussien a publié dernièrement un ouvrage à l’usage de l’armée, sur l’art de vaincre les insurrections populaires, et il enseigne, dans cet ouvrage, comment on désorganise une émeute, comment on démoralise, comment on éparpille ses forces. Aujourd’hui, on veut porter des coups sûrs, égorger le peuple selon toutes les règles. Eh bien, l’étude dont nous parlons serait une réponse à cette publication et à tant d’autres qui traitent le même sujet, quelquefois avec moins de cynisme. Elle montrerait comment on désorganise un gouvernement, comment s’éparpillent ses forces, comment on relève le moral d’un peuple, affaissé, déprimé par la misère et l’oppression qu’il a subies.

Jusqu’à présent, pareille étude n’a pas été faite. Les historiens nous ont bien raconté les grandes étapes, par lesquelles l’humanité a marché vers son affranchissement, mais ils ont peu prêté d’attention aux périodes qui précédèrent les révolutions. Absorbés par les grands drames qu’ils essayent d’esquisser, ils glissent d’une main rapide sur le prologue, et c’est ce prologue surtout qui nous intéresse.