Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/333

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trument de musique, l’objet d’art, le colifichet qui ne se trouvent pas dans les magasins de la commune ?

Non ! rechercher, accumuler soi-même les faits contradictoires afin de les expliquer, pour appuyer ou rejeter son hypothèse, c’est bon pour un Darwin ; la science officielle préfère les ignorer. Elle se contente de comparer le paysan propriétaire… au serf, au métayer, au tenancier !

Mais le serf, lorsqu’il travaillait la terre de son seigneur, ne savait-il pas d’avance que le seigneur lui prendrait tout ce qu’il récolterait, sauf une maigre ration de sarrazin et de seigle, — juste de quoi tenir ensemble la chair et les os, — ne savait-il pas qu’il aurait beau s’esquinter au travail, et que néanmoins, le printemps venu, il se verrait forcé de mêler des herbes à sa farine, comme le font encore les paysans russes, comme le faisaient encore les paysans français avant 1789 ! que s’il avait le malheur de s’enrichir un peu, il deviendrait le point de mire des persécutions intéressées du seigneur ? Il préférait donc travailler le moins possible, labourer le plus mal possible. Et on s’étonnerait que les petits-fils de ce paysan cultivent infiniment mieux dès qu’ils savent qu’ils pourront engranger leur récolte pour leur compte ?

Le métayer offre déjà un progrès sur le serf. Il sait que la moitié de la récolte lui sera prise par le propriétaire du sol, il est donc sûr que l’autre moitié, du moins, lui restera. Et malgré cette condition, — révoltante selon nous, très juste aux yeux des économistes, — il parvient à améliorer sa culture, autant que cela peut se faire par le seul travail de ses bras.

Le fermier, si son bail lui est assuré pour un certain nombre d’années et si les conditions du bail ne sont