Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/59

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les mêmes termes que l’énoncent Hirn et Clausius, resta pendant quatre-vingts ans enfouie dans les Mémoires académiques jusqu’à ce que les connaissances physiques eussent été suffisamment répandues pour créer un milieu capable de les accepter. Il a fallu que trois générations se succédassent pour que les idées d’Erasme Darwin sur la variabilité des espèces fussent favorablement accueillies de la bouche de son petit-fils, et pour qu’elles fussent admises par les savants académiciens, non sans pression, il est vrai, de la part de l’opinion publique. Le savant, comme le poète ou l’artiste, est toujours le produit de la société dans laquelle il se meut et enseigne.




Mais si vous vous pénétrez de ces idées, vous comprendrez qu’avant tout il importe de produire une modification profonde dans cet état de choses qui condamne aujourd’hui le savant à regorger de vérités scientifiques et la presque totalité des êtres humains à rester ce qu’ils étaient il y a cinq, dix siècles, c’est-à-dire à l’état d’esclaves et de machines incapables de s’assimiler les vérités établies. Et le jour où vous vous pénétrerez de cette idée, large, humanitaire et profondément scientifique, ce jour-là vous perdrez le goût de la science pure. Vous vous mettrez à la recherche des moyens d’opérer cette transformation, et si vous ne vous départez pas de l’impartialité qui vous a guidé dans vos investigations scientifiques, vous adopterez nécessairement la cause du socialisme ; vous couperez court aux sophismes et vous reviendrez vous ranger parmi nous ; las de travailler à procurer