nile de votre intelligence à l’élaboration d’un projet de voie ferrée qui, serpentant au bord des précipices et perçant le cœur des géants de granit, ira rallier deux pays séparés par la nature. Mais, une fois à l’œuvre, vous voyez dans ce sombre tunnel, des bataillons ouvriers décimés par les privations et les maladies, vous en voyez d’autres retourner chez eux emportant à peine quelques sous et les germes indubitables de phtisie, vous voyez les cadavres humains, — résultats d’une crapuleuse avarice, — marquer chaque mètre d’avancement de votre voie, et cette voie terminée, vous voyez enfin qu’elle devient un chemin pour les canons des envahisseurs…
Vous avez voué votre jeunesse à une découverte qui doit simplifier la production, et après bien des efforts, bien des nuits sans sommeil, vous voilà enfin en possession de cette précieuse découverte. Vous l’appliquez, et le résultat dépasse vos espérances. Dix mille, vingt mille ouvriers seront jetés sur le pavé ! Ceux qui restent, des enfants pour la plupart, seront réduits à l’état de machines ! Trois, quatre, dix patrons feront fortune et « boiront le champagne à plein verre »… Est-ce cela que vous avez rêvé ?
Enfin vous étudiez les progrès industriels récents et vous voyez que la couturière n’a rien, absolument rien gagné à la découverte de la machine à coudre ; que l’ouvrier du Gothard meurt d’ankylostoma en dépit des perforatrices à couronnes de diamant, que le maçon et le journalier chôment comme auparavant à côté des ascenseurs Giffard, — et si vous discutez les problèmes sociaux avec cette indépendance d’esprit qui vous a guidé dans vos problèmes techniques, vous arrivez nécessairement à la conclusion que, sous le