Page:Kropotkine - Aux jeunes gens, 1904.djvu/18

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une heure « la prudence, le respect aux autorités, la soumission », si bien qu’il a mis Schiller de côté pour lire l’Art de faire son chemin dans le monde.

Et puis, hier encore, on vous disait que vos meilleurs élèves ont tous mal tourné : l’un ne fait que rêver épaulettes, l’autre, en compagnie de son patron, vole le maigre salaire des ouvriers, et vous, qui aviez mis tant d’espérance en ces jeunes gens, vous réfléchissez à présent sur la triste contradiction qui existe entre la vie et l’idéal.

Vous y réfléchissez encore ! mais je prévois que dans deux ans, après avoir eu désillusion sur désillusion, vous mettrez vos auteurs favoris de côté et que vous finirez par dire que Guillaume Tell était certainement un très honnête père, mais, somme toute, un peu fou ; que la poésie est une chose excellente au coin du feu, surtout lorsqu’on a enseigné pendant toute une journée la règle des intérêts composés, mais qu’après tout, messieurs les poètes planent toujours dans les nuages et que leurs vers n’ont rien à faire, ni avec la vie, ni avec la prochaine visite de M. l’inspecteur…

Ou bien, vos rêves de jeunesse deviendront la ferme conviction de l’homme mûr. Vous voudrez l’instruction large, humanitaire, pour tous, à l’école et en dehors de l’école, et voyant qu’elle est impossible dans les conditions actuelles, vous vous attaquerez aux bases mêmes de la société bourgeoise. Alors, mis en disponibilité par le ministère, vous quitterez l’école et vous viendrez parmi nous, avec nous, dire aux hommes âgés, mais moins instruits que vous, ce que le savoir a d’attrayant, ce que l’humanité doit être, ce qu’elle peut être. Vous viendrez travailler avec les socialistes à la transformation complète du régime actuel dans le sens de l’égalité, de la solidarité, de la liberté.