Page:Kropotkine - Aux jeunes gens, 1904.djvu/30

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connaître que la gêne, si ce n’est la misère, lorsque le chômage arrivera ? Est-ce cela que vous convoitez dans la vie ?


Peut-être vous résignerez-vous. N’entrevoyant pas d’issue à la situation, il se peut que vous vous disiez : « Des générations entières ont subi le même sort, et moi, qui ne puis rien y changer, je dois le subir aussi ! Donc, travaillons, et tâchons de vivre de notre mieux. »

Soit ! Mais alors la vie elle-même se chargera de vous éclairer.

Un jour, viendra la crise, une de ces crises, non plus passagères comme jadis, mais qui tuent raide toute une industrie, qui réduisent à la misère des milliers de travailleurs, qui déciment les familles. Vous lutterez, comme les autres, contre cette calamité. Mais vous vous apercevrez bientôt comment votre femme, votre enfant, votre ami, succombent peu à peu aux privations, faiblissent à vue d’œil et, faute d’aliments, faute de soins, finissent par s’éteindre sur un grabat, tandis que la vie roule ses flots joyeux dans les rues rayonnantes de soleil de la grande ville, insouciante de ceux qui périssent. Vous comprendrez alors ce que cette société a de révoltant, vous songerez aux causes de la crise et votre regard sondera toute la profondeur de cette iniquité qui expose des milliers d’êtres humains à la cupidité d’une poignée de fainéants ; vous comprendrez que les socialistes ont raison lorsqu’ils disent que la société actuelle doit être, qu’elle peut être transformée de fond en comble.

Un autre jour, lorsque votre patron cherchera, par une nouvelle réduction de salaires, à vous soustraire encore quelques sous pour arrondir d’autant sa fortune, vous protesterez ; mais il