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leurs richesses. L’Église les entoura de ses soins. Elle les protégea, leur vint au secours avec ses coffres-forts, leur inventa le saint de la localité et ses miracles. Elle entoura de sa vénération la Notre-Dame de Paris ou la Vierge d’Ibérie à Moscou. Et, pendant que la civilisation des cités libres, émancipées des évêques, prenait son élan juvénile, l’Église travailla âprement à reconstituer son autorité par l’intermédiaire de la royauté naissante, en entourant de ses soins, de son encens et de ses écus le berceau royal de celui qu’elle avait choisi finalement pour refaire avec lui, par lui, son autorité ecclésiastique. À Paris, à Moscou, à Madrid, à Prague, vous la voyez penchée sur le berceau de la royauté, sa torche allumée à la main.

Âpre à la besogne, forte de son éducation étatiste, s’appuyant sur l’homme de volonté ou de ruse qu’elle va prendre dans n’importe quelle classe de la société, versée dans l’intrigue et versée dans le droit romain et byzantin — vous la voyez marcher sans relâche vers son idéal ; le roi hébraïque, absolu, mais obéissant au grand prêtre — le bras séculier aux ordres du pouvoir ecclésiastique.

Au XVIe siècle, ce lent travail des deux conjurés est déjà en pleine vigueur. Un roi domine déjà les autres barons, ses rivaux, et cette force viendra s’abattre sur les cités libres pour les écraser à leur tour.

D’ailleurs, les villes du XVIe sièclen’étaient plus ce qu’elle avaient été aux XIIe, XIIIe et XIVe siècles.

Elles étaient nées de la révolution libertaire. Mais elles n’eurent pas le courage d’étendre leurs idées d’égalité aux campagnes voisines, pas même à ceux qui étaient venus s’établir plus tard dans leurs enceintes, asiles de liberté, pour y créer les arts industriels.

Une distinction entre les vieilles familles qui avaient fait la révolution du XIIe siècle, ou « les familles » tout court, et ceux qui vinrent s’établir plus tard dans la cité, se rencontre dans toutes les villes. La vieille « guilde des marchands » n’entend pas recevoir les nouveaux-venus. Elle refuse se s’incorporer les « arts jeunes » pour le commerce. Et, de simple commis de la cité qu’elle était autrefois, lorsqu’elle faisait le commerce étranger pour toute la cité, elle devient l’entremetteur qui s’enrichit pour son compte dans le commerce lointain. Elle importe le faste oriental et, plus tard, s’allie au seigneur combourgeois et au prêtre ; ou bien, elle va chercher appui chez le roi naissant, pour maintenir son droit à l’enrichissement, son monopole commercial. Devenu personnel, le commerce tue la libre cité.

Les guildes des anciens métiers dont se composait au début la cité et son gouvernement ne veulent pas reconnaître non plus les mêmes droits aux jeunes guildes, formées plus tard par les jeunes métiers. Ceux-ci doivent conquérir leurs droits par une révolution. Et c’est ce