Page:Kropotkine - L’Anarchie, sa philosophie, son idéal.djvu/20

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main, à en faire un centre de pensée et d’art, — comment soutenir devant lui, qui crée tout cela, que les palais qui ornent les rues de Paris appartiennent en pleine justice à ceux qui en sont aujourd’hui les propriétaires légaux, alors que nous tous en faisons la valeur, puisque sans nous, elle serait nulle.

Pareille fiction peut se maintenir pendant quelque temps par l’adresse des éducateurs du peuple. Les gros bataillons ouvriers peuvent même ne pas y réfléchir. Mais du moment qu’une minorité d’hommes pensants agite cette question et la soumet à tous, il ne peut plus y avoir de doute sur la réponse. L’esprit populaire répond : « C’est par la spoliation qu’ils détiennent les richesses ! ».

De même, comment faire croire au paysan que cette terre seigneuriale ou bourgeoise appartient au propriétaire en droit légitime, lorsque le paysan nous dira l’histoire de chaque lopin de terre à dix lieues à la ronde ? Comment lui faire croire surtout qu’il soit utile pour la nation que monsieur un tel garde cette terre pour son parc, alors que tant de paysans des alentours ne demandent qu’à la cultiver ?

Comment faire croire enfin à l’ouvrier de telle usine, ou au mineur de telle mine, que l’usine et la mine appartiennent équitablement à leurs maîtres actuels, alors que l’ouvrier et même le mineur commencent à voir clair dans les Panama, les pots de vin, les chemins de fer français ou turcs, le pillage de l’État et le vol légal, sur lesquels se bâtit la grande propriété commerciale ou industrielle ?

Au fait, les masses ont-elles jamais cru aux sophismes enseignés par les économistes, plutôt pour confirmer les exploiteurs dans leurs droits, que pour convertir