Page:Kropotkine - L’Anarchie, sa philosophie, son idéal.djvu/24

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Tant que l’Angleterre et la France furent les pionniers de l’industrie, au sein des nations arriérées dans leur développement technique, et tant qu’elles purent vendre à leurs voisins leurs laines, leurs cotonnades et leurs soies, leur fer et leurs machines, ainsi que toute une série d’objets de luxe, à des prix qui leur permettaient de s’enrichir aux dépens de leur clientèle, — le travailleur pouvait être maintenu dans l’espoir que lui aussi serait appelé à s’approprier une part de plus en plus large du butin. Mais ces conditions disparaissent. Les nations arriérées il y a trente ans sont devenues à leur tour de grands producteurs de cotonnades, de laines, de soies, de machines et d’objets de luxe. Dans certaines branches de l’industrie elles ont même pris les devants et, sans parler du commerce lointain, où elles combattent leurs sœurs aînées, elles viennent déjà leur faire la concurrence sur leurs propres marchés. En peu d’années, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie, les États-Unis, la Russie et le Japon, sont devenus des pays de grande industrie. Le Mexique, les Indes, voire même la Serbie, emboîtent le pas et — que sera-ce quand le Chinois commencera à imiter le Japonais en fabriquant aussi pour le marché universel ?

Il en résulte que les crises industrielles dont la fréquence et la durée vont en augmentant sont passées dans maintes industries à l’état chronique. De même, la guerre pour les marchés en Orient et en Afrique est depuis plusieurs années à l’ordre du jour ; voilà vingt-cinq années déjà que l’épée de la guerre européenne est suspendue sur les États européens. Et si cette guerre n’a pas encore éclaté, c’est surtout, peut-être, parce que la grosse finance trouve avanta-