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de la production que nous réserve un avenir plus ou moins proche.

Il suffit, en effet, de penser un moment au gaspillage inouï, inimaginable, de forces humaines qui se fait aujourd’hui, pour concevoir ce qu’une société civilisée peut produire, avec quelle petite quantité du travail de chacun, et quelles œuvres grandioses elle pourrait entreprendre qui sont aujourd’hui hors de question. Malheureusement, la métaphysique que l’on nomme l’économie politique ne s’est jamais occupée de ce qui devait constituer son essence — l’économie des forces.

Sur la possibilité de la richesse dans une société communiste, outillée comme nous le sommes, il n’y a plus de doutes. Là où les doutes surgissent, c’est lorsqu’il s’agit de savoir si pareille société peut exister sans que l’homme soit soumis dans tous ses actes au contrôle de l’État ; s’il n’est pas nécessaire pour arriver au bien-être, que les sociétés européennes sacrifient le peu de libertés personnelles qu’elles ont reconquises durant ce siècle, au prix de tant de sacrifices ?

Une partie des socialistes affirme qu’il est impossible d’arriver à un pareil résultat sans sacrifier sa liberté sur l’autel de l’État. L’autre, à laquelle nous appartenons, prétend au contraire que c’est seulement par l’abolition de l’État, par la conquête de la liberté entière de l’individu, par la libre entente, l’association et la fédération absolument libres, que nous pouvons arriver au communisme — à la possession commune de notre héritage social, et à la production en commun de toutes les richesses.

Là est la question qui prime toutes les autres en ce