Page:Kropotkine - L’Anarchie, sa philosophie, son idéal.djvu/33

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moment et que le socialisme est amené à résoudre sous peine de voir tous ses efforts compromis, tout son développement ultérieur paralysé. Analysons-la donc avec toute l’attention qu’elle mérite.




Si chaque socialiste veut se reporter en arrière dans ses souvenirs, il se rappellera sans doute la foule de préjugés qui se réveillèrent en lui, lorsqu’il arriva la première fois à penser que l’abolition du système capitaliste, de l’appropriation privée du sol et des capitaux, devient une nécessité historique.

La même chose se produit aujourd’hui chez celui qui entend dire pour la première fois que l’abolition de l’État, de ses lois, de son système entier de gérance, de gouvernementalisme et de centralisation devient aussi une nécessité historique ; que l’abolition de l’un sans l’autre est matériellement impossible. Toute notre éducation — faite, remarquez-le bien, par l’Église et par l’État, dans l’intérêt des deux — se révolte contre cette conception.

Est-elle, cependant, moins juste pour cela ? Et dans l’holocauste de préjugés que nous avons déjà fait pour notre émancipation, celui de l’État doit-il survivre ?




Je ne vais pas faire ici la critique de l’État, tant de fois déjà faite et refaite, et je suis forcé de renvoyer à une autre conférence l’analyse du rôle historique de l’État. Quelques considérations d’ordre général nous suffiront.

Et d’abord, si l’homme, depuis ses origines, a toujours vécu en sociétés, l’État n’est qu’une des formes