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de la vie sociale, toute récente encore pour nos sociétés européennes. L’homme vécut des milliers d’années avant que les premiers États se fussent constitués ; Grèce et Rome existèrent des siècles durant, avant d’arriver aux Empires macédonien et romain, et pour nous, Européens modernes, les États ne datent que du seizième siècle. Ce n’est qu’alors que la défaite des communes libres fut achevée, et que parvint à se constituer cette assurance mutuelle entre l’autorité militaire, judiciaire, seigneuriale et capitaliste, qui a nom « État ».

Ce n’est qu’au seizième siècle qu’un coup mortel fut porté aux idées d’indépendance locale, d’union et d’organisation libre, de fédération à tous les degrés, entre des groupes souverains, possédant toutes les fonctions, aujourd’hui accaparées par l’État. Ce n’est qu’à cette époque que l’alliance entre l’Église et le pouvoir naissant de la royauté mit fin à cette organisation, basée sur le principe fédératif, qui avait existé du neuvième au quinzième siècle et qui produisit en Europe la grande période des cités libres du Moyen Âge, dont Sismondi et Augustin Thierry, malheureusement peu lus de nos jours, avaient si bien deviné le caractère.

On connaît les moyens par lesquels cette association entre le seigneur, le prêtre, le marchand, le juge, le soldat et le roi assit sa domination. Ce fut par l’anéantissement de tous les contrats libres : des communautés de village, des guildes, des compagnonnages, des fraternités, des conjurations médiévales. Ce fut par la confiscation des terres de la commune et des richesses des guildes ; ce fut par la prohibition absolue et féroce de toute sorte d’entente libre entre hommes ; ce fut