Aller au contenu

Page:Kropotkine - L’Anarchie, sa philosophie, son idéal.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cinquantaine de papiers entre divers administrateurs quand le vent abat un arbre sur une route nationale. Ou, au besoin, on les fait apprécier par ces mêmes masses de mortels, qui, douées de toutes les faiblesses dans leurs rapports mutuels, deviennent la sagesse même quand il s’agit de choisir des maîtres.

Toute la science du gouvernement, imaginée par les gouvernants eux-mêmes, est imbue de ces utopies. Mais nous connaissons trop les hommes pour en rêver de pareilles. Nous n’avons pas deux poids et deux mesures pour les vertus des gouvernés et celles des gouvernants ; nous savons que nous-mêmes ne sommes pas sans défaut et que les meilleurs d’entre nous seraient vite corrompus par l’exercice du pouvoir. Nous prenons les hommes pour ce qu’ils sont — et c’est pour cela que nous haïssons le gouvernement de l’homme par l’homme et que nous travaillons de toutes nos forces, pas assez peut-être, à y mettre fin.




Mais ce n’est pas assez de démolir. Il faut aussi savoir bâtir, et c’est faute d’y avoir assez pensé que le peuple fut toujours leurré dans toutes ses révolutions. Après avoir démoli, il abandonnait le soin de reconstruire aux bourgeois, qui, eux, possédaient une conception plus ou moins nette de ce qu’ils voulaient réaliser, et qui reconstituaient alors l’autorité en leur faveur.

C’est pourquoi l’Anarchie, lorsqu’elle travaille à démolir l’autorité sous tous ses aspects, lorsqu’elle demande l’abrogation des lois et l’abolition de mécanisme qui sert à les imposer, lorsqu’elle refuse toute organisation hiérarchique, et prêche la libre entente,