Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/165

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la loi coutumière était simplement « inconcevable », comme l’a si bien dit Henry Maine, « parce que la loi, la moralité et les faits » ne se distinguaient pas les uns des autres en ces temps-là[1]. L’autorité morale de la commune était si forte que, même à une époque très postérieure, lorsque les communes villageoises tombèrent au pouvoir des seigneurs féodaux, elles conservèrent leurs pouvoirs judiciaires ; elles permettaient seulement au seigneur ou à son mandataire de « trouver » la sentence conditionnelle selon la loi coutumière qu’il avait juré d’observer, et de lever pour lui-même l’amende (ou fred) due à la commune. Mais pendant longtemps, le seigneur lui-même, s’il demeure co-propriétaire des terrains incultes de la commune, dut se soumettre aux décisions de la commune pour les affaires communales. Noble ou ecclésiastique, il devait obéir à l’assemblée du peuple — Wer daselbst Wasser und Weid genusst, muss gehorsam sein — « Qui use ici du droit à l’eau et au pâturage doit obéissance », tel était le vieux dicton. Même lorsque les paysans devinrent serfs d’un seigneur, celui-ci devait se présenter devant l’assemblée du peuple quand il en était sommé[2].

Dans leurs conceptions de la justice les barbares différaient peu des sauvages. Eux aussi considéraient qu’un meurtre devait être suivi de la mort du meurtrier ; que les blessures devaient être punies par des blessures absolument égales, et que la famille outragée

  1. Village Communities, pp. 65-68 et 199.
  2. Maurer (Geschichte der Markvefassung, § 29, 97) est tout à fait catégorique sur ce sujet. Il affirme que « tous les membres de la commune,... les seigneurs laïques aussi bien que le clergé, souvent aussi les co-propriétaires partiels (Markbersechtigte) et même des étrangers à la Mark (commune), étaient soumis à sa juridiction ». (p. 312). cette conception resta localement en vigueur jusqu’au XVème siècle.