Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/228

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Il est facile de comprendre comment l’auto-juridiction de la cité pouvait naître de la juridiction spéciale du marché, quand ce dernier droit était accordé, de bon gré ou non à la cité elle-même. Cette origine des libertés de la cité dont nous retrouvons la trace dans bien des cas, imprimait nécessairement un certain caractère à leur développement ultérieur. De là une prédominance de la partie commerçante de la communauté. Les bourgeois, qui possédaient une maison dans la cité à ses débuts et étaient co-propriétaires des terrains de la ville, constituaient très souvent une guilde marchande qui tenait en son pouvoir le commerce de la cité ; et quoique au début chaque bourgeois, riche ou pauvre, pût faire partie de la guilde marchande et que le commerce semble avoir été exercé pour la cité entière par ses commissaires, la guilde devint peu à peu une sorte de corps privilégié. Elle empêchait jalousement les étrangers, qui bientôt affluèrent dans les cités libres, de faire part de la guilde et elle réservait les avantages du commerce aux quelques « familles » qui avaient été parmi les « bourgeois » au moment de l’émancipation. Il y avait évidemment un danger de voir se constituer ainsi une oligarchie marchande. Mais déjà au Xe siècle et encore plus pendant les deux siècles suivants, les principaux métiers, organisés aussi en guildes, furent assez puissants pour s’opposer aux tendances oligarchiques des marchands.

Chaque guilde d’artisans faisait alors la vente en

    Alterthümer des deutschen Reichs und Rechts, Ill, 29 ; Kallsen, I, 316). L’explication ci-dessus semble être la plus probable ; mais, bien entendu, il faut qu’elle soit confirmée par de nouvelles recherches. Il est évident aussi que, pour employer une expression écossaise, the « mercet cross », la croix du marché, peut être considérée comme un emblème de la juridiction de l’Église, mais nous la trouvons à la fois dans les cités épiscopales et dans celles où l’assemblée du peuple était souveraine.