Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/302

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commune, tant hommes que femmes, travaillèrent, durant cinq semaines de suite, pour élever une digue, longue de trois kilomètres, destinée à l’irrigation. Que pourraient faire des hommes isolés dans cette lutte contre la sécheresse du climat ? Qu’aurait-on pu obtenir par l’effort individuel lorsque la Russie méridionale fut atteinte par l’invasion des marmottes, et que tous les habitants de la région, riches et pauvres, communistes et individualistes, durent travailler de leurs mains pour combattre le fléau ? Il n’eût été d’aucune utilité d’en appeler au secours des gendarmes ; le seul remède était l’association.


Et maintenant, après avoir parlé de l’entr’aide et de l’appui mutuel, mis en pratique par les travailleurs du sol dans les pays « civilisés », je vois que je pourrais remplir un fort volume d’exemples pris dans la vie des centaines de millions d’hommes qui sont aussi sous la tutelle d’États plus ou moins centralisés, mais ne se trouvent pas en contact avec la civilisation moderne et les idées modernes. Je pourrais décrire l’organisation intérieure d’un village turc et son réseau d’admirables coutumes et de traditions d’entr’aide. En parcourant mes notes pleines d’exemples de la vie des paysans du Caucase, je rencontre des faits touchants d’appui mutuel. Je suis la trace des mêmes coutumes dans la djemmâa arabe et la purra des Afghans, dans les villages de la Perse, de l’Inde et de Java, dans la famille indivise des Chinois, dans les campements semi-nomades de l’Asie centrale et chez les nomades de l’extrême Nord. Si je consulte mes notes prises au hasard dans les ouvrages concernant l’Afrique, je les trouve pleines de faits semblables : d’aides convoquées pour rentrer les moissons, de maisons construites par tous les habitants du village — quelquefois pour ré-