Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/343

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facteur individuel dans l’histoire de l’humanité, alors même qu’il demeure un vaste champ d’études nouvelles à faire sur ce sujet, considéré du point de vue qui vient d’être indiqué. Par contre, le facteur de l’entr’aide n’a reçu jusqu’à présent aucune attention. Les écrivains de la génération présente et passée le nient purement et simplement ou même le tournent en dérision. Il était donc nécessaire de montrer tout d’abord le rôle immense que ce facteur joue dans l’évolution du monde animal et dans celles des sociétés humaines. Ce n’est que lorsque ceci sera pleinement reconnu qu’il deviendra possible de procéder à une comparaison entre les deux facteurs.

Tenter une estimation, même approximative, de leur importance relative par quelque méthode statistique, serait évidemment impossible. Une seule guerre — nous le savons tous — peut produire plus de mal, immédiat et subséquent, que des centaines d’années d’action ininterrompue du principe de l’entr’aide ne produiront de bien. Mais, lorsque nous voyons que dans le monde animal le développement progressif et l’entr’aide vont de pair, tandis que la lutte à l’intérieur de l’espèce correspond souvent à des périodes de régression ; lorsque nous observons que, chez l’homme, le succès, jusque dans la lutte et la guerre, est proportionné au développement de l’entr’aide dans chacune des nations, cités, partis ou tribus qui entrent en conflit ; et que, dans le cours de l’évolution, la guerre elle-même fut, jusqu’à un certain point, mise au service du progrès de l’entr’aide au sein des nations, des cités ou des clans, — nous entrevoyons déjà l’influence dominante du facteur de l’entr’aide, comme élément de progrès. Nous voyons en outre que la pratique de l’entr’aide et ses développements successifs ont créé les conditions mêmes de la vie sociale, dans laquelle l’homme a pu développer