Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/81

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ment tous en chœur. W. H. Hudson les trouva une fois en bandes innombrables, rangés tout autour d’un lac des pampas par groupes bien définis d’environ cinq cents oiseaux chacun.


Bientôt, écrit-il, un groupe près de moi commença à chanter et soutint son chant puissant pendant trois ou quatre minutes ; quand il cessa, le groupe suivant reprit le même chant, et après celui-ci le suivant, et ainsi de suite jusqu’à ce que les notes des groupes posés sur l’autre rivage revinssent une fois encore à moi claires et puissantes, flottant dans l’air au-dessus du lac — puis s’évanouirent, devenant de plus en plus faibles, jusqu’à ce que de nouveau le son se rapprochât de moi, reprenant à mes côtés.


En une autre occasion, le même écrivain vit une plaine entière couverte d’une bande innombrable de chaunas, non pas en ordre serré, mais disséminés par paires et petits groupes. Vers neuf heures du soir, « soudain la multitude entière des oiseaux qui couvraient le marais sur une étendue de plusieurs milles entonnèrent à grand bruit un extraordinaire chant du soir... C’était un concert qui eût bien valu une chevauchée d’une centaine de milles pour l’entendre[1] ». Ajoutons, que comme tous les animaux sociables, le chauna s’apprivoise facilement et devient très attaché à l’homme. « Ce sont des oiseaux très doux et très peu querelleurs », nous dit-on, quoique formidablement armés. La vie en société rend leurs armes inutiles.


Les exemples cités montrent déjà que la vie en société est l’arme la plus puissante dans la lutte pour la vie, prise au sens large du terme, et il serait aisé d’en donner encore bien d’autres preuves s’il était nécessaire d’insister. La vie en société rend les plus

  1. Pour les chœurs de singes, voir Brehm.