Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/94

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male est, pour me servir de l’expression du professeur Geddes, « l’argument arithmétique » emprunté à Malthus. Mais cet argument n’est pas du tout probant. Nous pourrions tout aussi bien prendre un certain nombre de villages dans la Russie du Sud-Est, dont les habitants jouissent d’une réelle abondance de nourriture, mais n’ont aucune organisation sanitaire ; et, voyant que pendant les dernières quatre-vingts années, malgré un taux de naissances de soixante pour mille, la population est néanmoins restée ce qu’elle était il y a quatre-vingts ans, nous pourrions en conclure qu’il y a eu une terrible compétition pour la vie entre les habitants. Cependant la vérité est que d’année en année la population est restée stationnaire, pour la simple raison qu’un tiers des nouveau-nés mouraient avant d’avoir atteint six mois, la moitié dans les quatre années suivantes, et, sur cent enfants, dix-sept seulement ou dix-huit atteignaient l’âge de vingt ans. Les nouveaux venus s’en allaient avant d’avoir atteint l’âge où ils auraient pu devenir des concurrents. Il est évident que si tel est le cours des choses chez les hommes, ce doit être encore pis chez les animaux. Dans le monde des oiseaux la destruction des œufs a lieu en de terribles proportions ; à tel point que les œufs sont la principale nourriture de plusieurs espèces au commencement de l’été ; et que dire des orages, des inondations qui détruisent les nids par millions en Amérique et en Asie, ou des soudains changements de température qui tuent les jeunes mammifères en masse ? Chaque orage, chaque inondation, chaque visite de rat à un nid d’oiseaux, chaque changement subit de la température emporte ces concurrents qui paraissent si terribles en théorie.

Quant aux faits de multiplication extrêmement rapide de chevaux et de bestiaux en Amérique, de cochons et