Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/124

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encore entre Paris et le village, est de celles qui se diminueront chaque jour ; le village ne manquera pas de se donner des logements plus salubres que ceux d’aujourd’hui, lorsque le paysan aura cessé d’être la bête de somme du fermier, du fabricant, de l’usurier et de l’État. Pour éviter une injustice temporaire et réparable, faut-il maintenir l’injustice qui existe depuis des siècles ?


Les objections soi-disant pratiques ne sont pas fortes, non plus.

« Voilà, nous dira-t-on, un pauvre diable. À force de privations, il est parvenu à s’acheter une maison assez grande pour y loger sa famille. Il y est si heureux ; allez-vous aussi le jeter dans la rue ? »

— Certainement non ! Si sa maison suffit à peine à loger sa famille, — qu’il l’habite, parbleu ! Qu’il cultive le jardin sous ses fenêtres ! Nos gars, au besoin, iront même lui donner un coup de main. Mais s’il a dans sa maison un appartement qu’il loue à un autre, le peuple ira trouver cet autre et lui dira : « Vous savez, camarade, que vous ne devez plus rien au vieux ? Restez dans votre appartement et ne payez plus rien : point d’huissier à craindre désormais, c’est la Sociale ! »

Et si le propriétaire occupe à lui seul vingt chambres, et que dans le quartier il y ait une mère avec cinq enfants logés dans une seule chambre, eh bien, le peuple ira voir si sur vingt chambres il n’y en a pas qui, après quelques réparations, pourraient faire un bon petit logement à la mère aux cinq enfants. Ne sera-ce pas plus juste que de laisser la mère et les cinq gosses dans le taudis, et le monsieur à l’engrais dans le château ? D’ailleurs le monsieur s’y fera