Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/135

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nous l’avons déjà remarqué, est que toute la production a pris une direction absolument fausse, puisqu’elle ne se fait pas en vue d’assurer le bien-être à tous : là est sa condamnation.

Et qui plus est, il est impossible que la production marchande se fasse pour tous. Le vouloir, serait demander au capitaliste de sortir de ses attributions et de remplir une fonction qu’il ne peut pas remplir sans cesser d’être ce qu’il est, entrepreneur privé, poursuivant son enrichissement. L’organisation capitaliste, basée sur l’intérêt personnel de chaque entrepreneur, pris séparément, a donné à la société tout ce qu’on pouvait en espérer : elle a accru la force productive du travailleur. Profitant de la révolution opérée dans l’industrie par la vapeur, le développement soudain de la chimie et de la mécanique et les inventions du siècle, le capitaliste s’est appliqué, dans son propre intérêt, à accroître le rendement du travail humain, et il y a réussi dans une très grande mesure. Mais lui donner une autre mission serait tout à fait déraisonnable. Vouloir, par exemple, qu’il utilise ce rendement supérieur du travail dans l’intérêt de toute la société, serait lui demander de la philanthropie, de la charité, et une entreprise capitaliste ne peut pas être fondée sur la charité.

C’est à la société maintenant de généraliser cette productivité supérieure, limitée aujourd’hui à certaines industries, et de l’appliquer dans l’intérêt de tous. Mais il est évident que pour garantir à tous le bien-être, la société doit reprendre possession de tous les moyens de production.

Les économistes nous rappelleront sans doute, — ils aiment à le rappeler — le bien-être relatif d’une certaine catégorie d’ouvriers jeunes, robustes, habiles