Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/190

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Avouons que la supposition est un peu fantaisiste. Mais on pourrait ajouter : « Et si, par exemple, telle commune ou tel groupe voulaient faire passer leurs barques avant les autres, ils encombreraient le canal pour charrier, peut-être, des pierres, tandis que le blé destiné à telle autre commune resterait en souffrance. — Qui donc régulariserait la marche des bateaux, si ce n’est le gouvernement ? »

Eh bien, la vie réelle a encore montré que l’on peut très bien se passer de gouvernement, ici comme ailleurs. La libre entente, la libre organisation, remplacent cette machine coûteuse et nuisible, et font mieux.


On sait ce que sont les canaux pour la Hollande, ce sont ses routes. On sait aussi quel trafic se fait sur ces canaux. Ce que l’on transporte chez nous sur une route pierrée ou ferrée se transporte en Hollande par la voie des canaux. C’est là qu’on pourrait se battre pour faire passer ses bateaux avant les autres. C’est là que le gouvernement devrait intervenir pour mettre de l’ordre dans le trafic !

Eh bien, non. Plus pratiques, les Hollandais, depuis bien longtemps, ont su s’arranger autrement, en créant des espèces de ghildes, de syndicats de bateliers. C’étaient des associations libres, surgies des besoins mêmes de la navigation. Le passage des bateaux se faisait suivant un certain ordre d’inscription ; tous se suivaient à tour de rôle. Aucun ne devait devancer les autres, sous peine d’être exclu du syndicat. Aucun ne stationnait plus d’un certain nombre de jours dans les ports d’embarquement, et s’il ne trouvait pas de marchandises à prendre pendant ce temps-là, tant pis pour lui, il partait vide, mais laissait la place