Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/20

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Le sol qui ne portait jadis que des herbes grossières, fournit aujourd’hui de riches moissons. Les rochers qui surplombent les vallées du midi sont taillés en terrasses où grimpent les vignes au fruit doré. Des plantes sauvages qui ne donnaient jadis qu’un fruit âpre —, une racine immangeable, — ont été transformées par des cultures successives en légumes succulents, en arbres chargés de fruits exquis.

Des milliers de routes pavées et ferrées sillonnent la terre, percent les montagnes ; la locomotive siffle dans les gorges sauvages des Alpes, du Caucase, de l’Himalaya. Les rivières ont été rendues navigables ; les côtes, sondées et soigneusement relevées, sont d’accès facile ; des ports artificiels, péniblement creusés et protégés contre les fureurs de l’Océan, donnent refuge aux navires. Les roches sont percées de puits profonds ; des labyrinthes de galeries souterraines s’étendent là où il y a du charbon à extraire, du minerai à recueillir. Sur tous les points où des routes s’entrecroisent, des cités ont surgi, elles ont grandi, et dans leurs enceintes se trouvent tous les trésors de l’industrie, de l’art, de la science.


Des générations entières, nées et mortes dans la misère, opprimées et maltraitées par leurs maîtres, exténuées de labeur, ont légué cet immense héritage au dix-neuvième siècle.

Pendant des milliers d’années, des millions d’hommes ont travaillé à éclaircir les futaies, à assécher les marais, à frayer les routes, à endiguer les rivières. Chaque hectare du sol que nous labourons en Europe a été arrosé des sueurs de plusieurs races ; chaque route a toute une histoire de corvées, de travail surhumain, de souffrances du peuple. Chaque