Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/21

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lieue de chemin de fer, chaque mètre de tunnel ont reçu leur part de sang humain.

Les puits des mines portent encore, toutes fraîches, les entailles faites dans le roc par le bras du piocheur. D’un poteau à l’autre les galeries souterraines pourraient être marquées d’un tombeau de mineur, enlevé dans la force de l’âge par le grisou, l’éboulement ou l’inondation, et l’on sait ce que chacun de ces tombeaux a coûté de pleurs, de privations, de misères sans nom, à la famille qui vivait du maigre salaire de l’homme enterré sous les décombres.


Les cités, reliées entre elles par des ceintures de fer et des lignes de navigation, sont des organismes qui ont vécu des siècles. Creusez-en le sol, et vous y trouverez les assises superposées de rues, de maisons, de théâtres, d’arènes, de bâtiments publics. Approfondissez-en l’histoire, et vous verrez comment la civilisation de la ville, son industrie, son génie, ont lentement grandi et mûri par le concours de tous ses habitants, avant d’être devenus ce qu’ils sont aujourd’hui.

Et maintenant encore, la valeur de chaque maison, de chaque usine, de chaque fabrique, de chaque magasin, n’est faite que du labeur accumulé des millions de travailleurs ensevelis sous terre ; elle ne se maintient que par l’effort des légions d’hommes qui habitent ce point du globe. Chacun des atomes de ce que nous appelons la richesse des nations, n’acquiert sa valeur que par le fait d’être une partie de cet immense tout. Que seraient un dock de Londres ou un grand magasin de Paris s’ils ne se trouvaient situés dans ces grands centres du commerce international ? Que seraient nos mines, nos fabriques, nos