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Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/215

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Voilà ce dont conviennent nos contradicteurs : « mais le danger, disent-ils, viendra de cette minorité de paresseux qui ne voudront pas travailler, malgré les excellentes conditions qui rendront le travail agréable, ou qui n’y apporteront pas de régularité et d’esprit de suite. Aujourd’hui, la perspective de la faim contraint les plus réfractaires à marcher avec les autres. Celui qui n’arrive pas à l’heure fixe est bientôt renvoyé. Mais il suffit d’une brebis galeuse pour contaminer le troupeau, et de trois ou quatre ouvriers nonchalants ou récalcitrants pour détourner tous les autres et amener dans l’atelier l’esprit de désordre et de révolte qui rend le travail impossible ; de sorte qu’en fin de compte il faudra en revenir à un système de contrainte qui force les meneurs à rentrer dans les rangs. Eh bien, le seul système qui permette d’exercer cette contrainte, sans froisser les sentiments du travailleur, n’est-il pas la rémunération selon le travail accompli ? Car tout autre moyen impliquerait l’intervention continuelle d’une autorité qui répugnerait bientôt à l’homme libre ».

Voilà, croyons-nous, l’objection dans toute sa force.


Elle rentre, on le voit, dans la catégorie des raisonnements par lesquels on cherche à justifier l’État, la loi pénale, le juge et le geôlier.

« Puisqu’il y a des gens — une faible minorité — qui ne se soumettent pas aux coutumes sociables, » disent les autoritaires, « il faut bien maintenir l’État, quelque coûteux qu’il soit, l’autorité, le tribunal et la prison, quoique ces institutions elles-mêmes deviennent une source de maux nouveaux de toute nature. »