Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/221

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leur position privilégiée, les riches font souvent du travail absolument inutile ou même nuisible à la société. Empereurs, ministres, chefs de bureaux, directeurs d’usines, commerçants, banquiers, etc., s’astreignent à faire, pendant quelques heures par jour, un travail qu’ils trouvent plus ou moins ennuyeux, — tous préférant leurs heures de loisir à cette besogne obligatoire. Et si dans neuf cas sur dix cette besogne est funeste, ils ne la trouvent pas pour cela moins fatigante. Mais c’est précisément parce que les bourgeois mettent la plus grande énergie à faire le mal (sciemment ou non) et à défendre leur position privilégiée, qu’ils ont vaincu la noblesse foncière et qu’ils continuent à dominer la masse du peuple. S’ils étaient des fainéants, il y a longtemps qu’ils n’existeraient plus et auraient disparu comme les talons rouges.

Dans une société qui leur demanderait seulement quatre ou cinq heures par jour de travail utile, agréable et hygiénique, ils s’acquitteraient parfaitement de leur besogne et ils ne subiraient certainement pas, sans les réformer, les conditions horribles dans lesquelles ils maintiennent aujourd’hui le travail. Si un Pasteur passait seulement cinq heures dans les égouts de Paris, croyez bien qu’il trouverait bientôt le moyen de les rendre tout aussi salubres que son laboratoire bactériologique.


Quant à la fainéantise de l’immense majorité des travailleurs, il n’y a que des économistes et des philanthropes pour discourir là-dessus.

Parlez-en à un industriel intelligent, et il vous dira que si les travailleurs se mettaient seulement dans la tête d’être fainéants, il n’y aurait qu’à fermer