Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/224

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bien toucher du piano, à bien manier le rabot, le ciseau, le pinceau ou la lime, de manière à sentir que ce qu’il fait est beau, n’abandonnera jamais le piano, le ciseau ou la lime. Il trouvera un plaisir dans son travail qui ne le fatiguera pas, tant qu’il ne sera pas surmené.


Sous une seule dénomination, la paresse, on a ainsi groupé toute une série de résultats dus à des causes diverses, dont chacune pourrait devenir une source de bien au lieu d’être un mal pour la société. Ici, comme pour la criminalité, comme pour toutes les questions concernant les facultés humaines, on a rassemblé des faits n’ayant entre eux rien de commun. On dit paresse ou crime, sans même se donner la peine d’en analyser les causes. On s’empresse de les châtier, sans se demander si le châtiment même ne contient pas une prime à la « paresse » ou au « crime »[1].


Voilà pourquoi une société libre, voyant le nombre de fainéants s’accroître dans son sein, songerait sans doute à rechercher les causes de leur paresse pour essayer de les supprimer avant d’avoir recours aux châtiments. Lorsqu’il s’agit, ainsi que nous l’avons déjà dit, d’un simple cas d’anémie. « Avant de bourrer de science le cerveau de l’enfant, donnez-lui d’abord du sang ; fortifiez-le et, pour qu’il ne perde pas son temps, menez-le à la campagne ou au bord de la mer. Là, enseignez-lui en plein air, et non dans les livres, la géométrie — en mesurant avec lui les distances jusqu’aux rochers voisins ; — il apprendra les

  1. Voyez notre brochure Les Prisons, Paris, 1889.