Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/85

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Il est certain que la prochaine révolution, — pareille en cela à celle de 1848, — éclatera au milieu d’une formidable crise industrielle. Depuis une douzaine d’années nous sommes déjà en pleine effervescence, et la situation ne peut que s’aggraver. Tout y contribue : la concurrence des nations jeunes qui entrent en lice pour la conquête des vieux marchés, les guerres, les impôts toujours croissants, les dettes des États, l’insécurité du lendemain, les grandes entreprises lointaines.

Des millions de travailleurs en Europe manquent d’ouvrage en ce moment. Ce sera pire encore, lorsque la révolution aura éclaté et qu’elle se sera propagée comme le feu mis à une traînée de poudre. Le nombre d’ouvriers sans travail doublera dès que les barricades se seront dressées en Europe ou aux États-Unis. — Que va-t-on faire pour assurer le pain à ces multitudes ?


Nous ne savons pas trop si les gens qui se disent pratiques se sont jamais posé cette question dans toute sa crudité. Mais, ce que nous savons, c’est qu’ils veulent maintenir le salariat ; attendons-nous donc à voir préconiser les « ateliers nationaux » et les « travaux publics » pour donner du pain aux désœuvrés.

Puisqu’on ouvrait des ateliers nationaux en 1789 et en 1793 ; puisqu’on eut recours au même moyen en 1848 ; puisque Napoléon III réussit, pendant dix-huit années, à contenir le prolétariat parisien en lui donnant des travaux — qui valent aujourd’hui à Paris sa dette de deux mille millions et son impôt municipal de 90 francs par tête ; puisque cet excellent moyen de « mater la bête » s’appliquait à Rome,